Voici un texte à la manière de Ponge, rédigé par Gabriel, étudiant de l’atelier d’écriture animé par Patrick Carle.
Écorce de bois colorié et sève de graphite. Le crayon a été créé pour écrire en creusant le papier. Il se tient debout sur sa pointe, équilibriste, et gravite, comme un patineur, sillonnant la feuille sur laquelle il glisse, faisant des tours en arrière et des sauts acrobatiques. Mais c’est une danse de souffrance, puisqu’en trainant et grattant sa pointe, il saigne, il perd sa sève et se consume.
Au fur et à mesure que l’écriture progresse, la blessure s’ouvre, la pointe s’écrase et sa trace devient grosse. C’est le moment, attendu avec la plus grande crainte, de se soumettre au taille-crayon qui reconstruira sa pointe. Une fois l’extrémité introduite dans l’orifice béant du bourreau, la danse macabre du sacrifice commence.
Un nombre sans fin de tours contre la lame métallique écorche le crayon. En même temps, une guirlande de bois presque transparente, aux dentelles peintes, tombe de la guillotine comme une cascade.
Rétabli, le crayon est prêt à nouveau pour donner du sens au papier en laissant sa trace graisseuse de graphite, mais cela ne sera pas pour toujours. Quand il aura usé toute sa sève, un autre crayon prendra sa place et continuera à façonner les pensées de son propriétaire.
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